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le mystérieux monsieur de l’aigle

aussitôt, ses yeux se portèrent vers La Hutte, qu’elle distinguait bien, de l’endroit où elle se trouvait. Zenon, occupé, en arrière de sa maison, leva soudain la tête et aperçut Magdalena. Il lui fit des signaux avec son chapeau et la jeune fille se hâta de lui rendre.

Zenon vit ensuite sa fille adoptive se tourner du côté du fleuve ; longtemps, elle contempla les flots, les Pélerins, la pointe de la Rivière-du-Loup…

Tournant le dos au fleuve, tout à coup, elle regarda le village de Saint-André, après quoi, tournant le dos à La Hutte, elle regarda longtemps, longtemps du côté opposé. Zenon la vit s’avancer sur l’extrême bord du rocher, se pencher, comme si elle eut observé attentivement quelque chose, puis, faire un geste de profond étonnement.

Aussitôt, elle quitta hâtivement son point d’observation et revint, presque courant, vers La Hutte.

VIII

LA MYSTÉRIEUSE RÉSIDENCE

— Mon oncle, dit Magdalena, aussitôt qu’elle arriva, toute essoufflée, auprès de son père adoptif, j’ai fait une découverte, une grande découverte !

— Oui ? Qu’as-tu donc découvert, cher enfant ?

— Ce n’est pas pour rien que j’ai entrepris d’escalader ce rocher, ce matin, je vous l’assure ! J’étais presque certaine de découvrir autre chose que des rochers, de l’autre côté… Je ne m’étais pas trompé.

— Eh ! bien, Théo ?

— Vous vous souvenez peut-être, mon oncle, d’un jour où nous étions en chaloupe, en route pour le Portage, et que nous avions remarqué la forme particulière des rochers ? À un certain endroit surtout, ces rochers affectaient les contours d’un véritable château…

— Oui, je me souviens, répondit Zenon. Mais je me souviens aussi t’avoir conseillé de te défier de ton imagination, ajouta-t-il en riant, car je te sais porté à avoir certaines illusions d’optiques qui…

— Cette fois, cependant, je ne m’étais pas trompée, annonça Magdalena. Ce que nous avions pris pour un simple entassement de rochers, c’était une résidence, un vrai château !

— Allons donc !

— Ne m’avez-vous pas dit que nous étions les seuls habitants de la Pointe Saint-André, oncle Zenon ?

— Bien sûr que je te l’ai dit !

— Alors, vous vous êtes trompé, car, par delà cet immense rocher que je viens d’escalader, il y en a un autre, beaucoup plus haut, plus imposant… et il sert, ce rocher, de mur principal à un véritable château…

— Illusion d’optique… murmura Zenon, en haussant légèrement les épaules.

— Illusion d’optique, dites-vous, mon oncle ?… Non, je vous le certifie ! Le château en question est habité…

— Par des hiboux probablement…

— Vous êtes dans l’erreur, cher oncle, assura Magdalena. J’ai vu quelqu’un, un homme, un jardinier sans doute, travailler la terre, autour de ce château… Nous avons des voisins ; voilà !

— Mais, mon pauvre enfant, s’il y avait là une résidence, nous l’apercevrions, tu le penses bien, quand nous passons en chaloupe.

— Je ne le crois pas… Devant la maison, qui doit être immense et construite toute en pierre, ce qui fait qu’elle peut être confondue facilement avec les rochers qui l’entourent, devant la maison, dis-je, est une vraie forêt de sapins, à travers laquelle il est impossible, je crois, d’apercevoir la maison, à moins d’y faire bien attention. Je vous assure, mon oncle, qu’il y a une sorte de château, de l’autre côté du rocher que je viens d’escalader ; un château habité, car j’ai vu de la fumée s’échapper de l’une de ses énormes cheminées de pierre.

— Ainsi, comme tu le disais tout à l’heure, Théo, nous avons des voisins ?

— Oui, nous avons des voisins… J’ai cru aussi apercevoir une petite baie, dans laquelle était un yacht à vapeur.

— Il est étrange que des gens de Saint-André ne nous aient pas dit qu’il y avait d’autres personnes que nous installées en cet endroit, ne trouves-tu pas ? demanda Zenon. Tu dois te souvenir qu’ils m’ont affirmé que nous étions les seuls habitants de la pointe.

— Peut-être que les gens de Saint-André ne savent seulement pas qu’il y a une résidence, répondit Magdalena. Le rocher si imposant qui sert de mur principal à ce… château, tourne le dos au village et il cache complètement le reste de la construction. Si les gens qui habitent cette mystérieuse demeure, ce château mystérieux…

— Mystérieux ?…

— Mais, sans doute ! rit Magdalena. Il est évident que ce ne sont pas des gens ordinaires qui demeurent là ! Encore une fois, l’énorme rocher cache complètement cette résidence qui, je le répète, tourne le dos au village de Saint-André et qui, tout comme La Hutte, a vue sur le fleuve.

— Sans vouloir nous mêler de ce qui ne nous concerne pas, Théo, fit Zenon nous essayerons de discerner ton château, lorsque nous irons au Portage, demain avant-midi. Ce que je vais rire, si tu t’es trompé ! ajouta-t-il, riant d’avance.

— C’est bon, mon oncle, je vous donne la permission de rire… si je me suis trompée, répondit Magdalena en souriant.

— Dans tous les cas, si tu ne t’es pas trompée ; si véritablement quelqu’un a élu domicile au pied de ce rocher que tu dis être énorme, c’est qu’ils désirent vivre dans un complet isolement et… ce n’est pas nous qui allons les déranger ou nous mêler de leurs affaires !

— Bien sûr que non, oncle Zenon ! Tout de même, je serais curieuse de savoir qui habite là… Peut-être y a-t-il toute une famille… des jeunes filles, avec qui je pourrais sympathiser…

— Ou quelque jeune garçon de ton âge, Théo, rappela Zenon, en accentuant ses paroles.

— C’est vrai… J’oubliais… fit-elle, en riant. Les jeunes filles du « château mystérieux »