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LE SPECTRE DU RAVIN

Mlle Marielle !… Quand je me dis qu’elle souffre…

— Partons ! dit Maurice, en se levant à son tour.

Jean et Maurice quittèrent le « Manoir-Roux » et s’acheminèrent vers la « Villa Bianca ». Ce n’était guère gênant pour eux de se présenter chez M. Jambeau, car, ils allaient, assez-souvent, chacun leur tour, ou bien ensemble, tenir compagnie à l’invalide, qui leur accordait toujours une très cordiale bienvenue.

Firmin, le domestique de M. Jambeau, vint leur ouvrir, et il les introduisit dans la chambre à coucher de son maître.

L’invalide, assis dans un fauteuil, entouré de couvertures et d’oreillers, écoutait attentivement Marielle, qui lui faisait la lecture à haute voix.

À l’arrivée des deux jeunes gens, Marielle se leva en se suspendant au cou de Jean, elle s’écria en pleurant :

— Oh ! M. Jean ! M. Jean ! Je croyais que vous m’aviez complètement oubliée ! Qu’il y a longtemps que je ne vous ai vu !

— Marielle ! Chère Marielle ! dit Jean. Ne pleurez pas ainsi, je vous prie, ma bien-aimée !

M. Maurice, dit ensuite Marielle. Comment vous portez-vous ? Je suis contente de vous voir.

— Vous êtes un peu souffrant, M. Jambeau ? demanda Jean, en s’approchant de l’invalide.

Ça va mieux, beaucoup mieux, Jean, répondit M. Jambeau. Et toutes vos constructions sont-elles achevées ?

— Oui, enfin ! fit Jean.

— Comment va, M. Jambeau ? demanda Maurice.

— Pas trop mal, jeune homme, pas mal ! Asseyez-vous, je vous prie. Vous devez avoir grand’soif ; je vais vous faire servir de la limonade glacée par Firmin.

— Ce n’est pas de refus, M. Jambeau, répondit Maurice, en riant.

Vers les neuf heures, Marielle se leva pour retourner chez elle. Aussitôt, Jean et Maurice se levèrent, eux aussi, et tous trois ayant souhaité une bonne nuit à leur hôte, quittèrent la « Villa Bianca ».

Quand ils eurent mis le pied dehors, Maurice salua Marielle en disant :

— Je vous laisse aux soins de M. Bahr, Mlle Dupas. Bonsoir !… Si vous le permettez, nous irons veiller au « Manoir-Roux », demain soir, Bahr et moi. Au revoir, Mlle Marielle ! Bonne nuit, Bahr !

Quand Maurice Leroy les eut quittés, Marielle dit à Jean :

— Je vois que vous êtes devenus bons amis, vous et M. Leroy, M. Jean ?

— Oui. Mlle Marielle, nous sommes devenus bons amis, en effet. Leroy est le meilleur garçon que je connaisse et nous nous entendons très bien ensemble.

— Ah ! J’en suis contente, M. Jean, bien contente ! dit Marielle.

Mlle Marielle, reprit Jean, avant de nous rendre chez M. Jambeau, ce soir, nous sommes allés au « Manoir-Roux » Leroy et moi… Nous avons trouvé Nounou seule, une Nounou bien désolée… Elle nous a raconté des choses qui m’ont beaucoup peiné… Vous avez souffert, ma toute chérie… et je n’étais pas là pour partager votre peine et pour essayer de vous consoler ! … Combien je le regrette, Marielle ! Combien je le regrette !

— Ô M. Jean ! dit Marielle, en pleurant. Je suis bien malheureuse !… Père n’est plus le même pour moi et…

— Je sais, Marielle ! Je sais !… Marielle, vous le savez, je vous aime ; voulez-vous devenir ma femme, ma femme chérie ?… Je vous aime tant, oh ! tant ! Je prendrai si bien soin de vous… Dites, mon ange, voulez-vous être ma femme ?

— Oui, M. Jean, je serai votre femme, répondit simplement Marielle.

— Merci, Marielle ! Chère bien-aimée, merci !… Et ce sera bientôt, n’est-ce pas ?… Pourquoi pas à la fin de l’été ?… Nous passerons l’hiver au « Gîte », que je rendrai le plus confortable possible, et le printemps prochain je construirai une belle maison pour y loger mon trésor, ajouta Jean, en pressant la jeune fille contre son cœur.

— Si mon père y consent, Jean, je serai votre femme… quand vous le désirerez.

— Que Dieu vous bénisse pour cette douce promesse que vous venez de me faire ! s’écria Jean, très ému. Aussitôt que M. Dupas sera de retour, je lui parlerai… Vous serez heureuse, Marielle, je vous le jure ! Comment aimeriez-vous faire notre voyage de noces à Montréal, chez votre tante Solange ? N’est-ce pas que ce serait une bonne idée, ma chérie ?

— Rien ne me serait plus agréable, Jean, dit Marielle.

En causant et faisant des projets d’avenir, Marielle et Jean arrivèrent au « Manoir-Roux », et comme Nounou n’était pas encore couchée, la jeune fille invita son fiancé à entrer.

— Nounou, dit Jean à la vieille et fidèle servante des Dupas, Mlle Marielle a promis de devenir ma femme, à la fin de l’été.

— Ah ! tant mieux ! s’écria Nounou. Si M. Dupas y consent, j’serai bien contente de voir la chère petite mariée à un brave jeune homme comme vous. M. Bahr… Et j’irai demeurer avec vous, car, je n’quitterai jamais Mlle Marielle ; je l’ai promis à sa mère mourante, d’ailleurs.

— Certes, Nounou, il y aura toujours place pour vous dans notre maison ! N’est-ce pas, Marielle ?

— Bonne Nounou ! dit Marielle, en donnant un baiser à la fidèle servante.

M. Bahr, dit Nounou, nous avons entendu parler du bel acte de charité que vous avez fait dernièrement, en prenant charge d’un petit orphelin de la Grande Entrée en lui donnant d’l’emploi au magasin.

— Pauvre petit Max ! (Il se nomme véritablement Maximilien, vous savez ; mais il est habitué à cette abréviation). L’enfant était, en effet, abandonné… Il est très intelligent ; il n’a que neuf ans et on lui en donnerait au moins douze, tant il est précoce. Max me rend service au magasin ; il distribue les marchandises et même il sert les pratiques ; de plus, au « Gîte », il me tient compagnie.

— Allons, Léo, ajouta Jean, en caressant son chien, retournons chez-nous ; il commence à se faire tard, tu sais.

À ce moment, on entendit le bruit d’une voiture et le trot des chèvres de Marielle.