Page:Bourgeois - Le spectre du ravin, 1924.djvu/54

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— Au revoir ! répondit Jean. Revenez à l’heure qu’il vous plaira, Docteur, et ne craignez pas de me déranger, quand ce serait au milieu de la nuit… J’espère que tout ira bien au « Manoir-Roux » ; Mme Dupas a été languissante tout l’hiver et M. Dupas est bien inquiet.

Ce fut le lendemain matin seulement que le Docteur Le Noir revint au « Gîte ». Jean venait de se mettre à table pour déjeuner, quand le médecin arriva. À son arrivée, Jean accourut au-devant de lui.

— Eh ! bien, comment ça va-t-il au « Manoir-Roux » !… Mme Dupas ?…

Mme  Dupas se porte bien… aussi bien qu’on puisse le désirer, du moins, et son fils a bonne envie de vivre, si on peut en juger par la force de ses petits poumons.

— Ainsi, c’est un fils ? demanda Jean.

— Oui, un fils, M. et Mme Dupas sont fous de joie, ainsi que Mlle Marielle et la bonne Nounou. La vieille servante assure que le nouveau-né ressemble à Mlle Marielle, quand elle est née, et je n’en doute pas ; l’enfant a de grands yeux bleus, un duvet doré recouvre sa tête, et ses traits sont fins et délicats.

— Marielle va tant l’aimer son petit frère ! dit Jean.

— Elle l’aime déjà. Quand j’ai quitté le « Manoir-Roux », tout à l’heure, malgré l’heure un peu matinale, Mlle Marielle était penchée sur son petit frère, que Nounou tenait dans ses bras, et j’ai vu de l’étonnement et de l’admiration dans ses yeux. Comme je partais, elle me dit : « Docteur, voulez-vous dire à M. Jean de venir aussitôt qu’il le pourra, voir mon petit frère ? » J’ai promis de faire la commission, Bahr.

— Merci, Le Noir, répondit Jean ; je crois que j’irai au « Manoir-Roux » ce matin même.

— Laissez-moi vous dire, mon ami, combien j’admire votre fiancée. Mlle Marielle mérite vraiment le nom d’Ange du Rocher… Je vous félicite, Bahr… elle aussi, je la félicite d’ailleurs… Vous allez vous marier bientôt ?

— Oui. Aussitôt que la famille Brassard sera arrivée, nous nous marierons. M. Brassard, doit me servir de père, et Marielle désire attendre Mme Brassard, qu’elle aime beaucoup. Maintenant, Le Noir, reprit Jean, vous allez déjeuner, puis vous vous coucherez ; vous devez être épuisé, après une nuit passée sans sommeil.

Vers les dix heures de l’avant-midi, Jean alla au « Manoir-Roux ». C’est Pierre Dupas qui vient lui ouvrir la porte.

— Jean ! s’écria-t-il. Vous avez appris la grande nouvelle, sans doute, et vous venez me féliciter ?… Voilà Marielle, ajouta-t-il, le visage de Pierre Dupas rayonnait de bonheur.

— Jean ! dit Marielle. Ô Jean, nous avons le plus beau bébé ici ! Je vais aller voir si Nounou a fini de faire la toilette de mon petit frère ; j’aimerais que vous le verriez.

— Moi aussi, j’aimerais à le voir ce prodigieux bébé, répondit Jean en souriant.

Bientôt, Nounou arriva, portant dans ses bras un petit paquet enveloppé de broderies et de dentelles ; l’héritier des Dupas. Nounou, elle aussi, avait le visage rayonnant.

— Voyez, M. Bahr, dit Nounou, en découvrant le visage du bébé. N’est-ce pas que c’est un bel enfant ?

— Oh ! le beau beau bébé ! s’écria Jean. Vous devez être bien heureux, M. Dupas, ajouta-t-il. en se tournant vers ce dernier. Et comment se porte Mlle Marielle ? Le Docteur Le Noir m’a donné des nouvelles rassurantes sur le compte de la nouvelle maman, vous savez.

— Ma femme se porte aussi bien qu’on puisse le désirer, Jean, répondit Pierre Dupas.

Quelqu’un frappa à la porte du « Manoir-Roux ».

— Entrez ! dit Pierre Dupas. La porte s’ouvrit et Maurice Leroy entra.

— Ah ! dit-il en apercevant l’enfant dans les bras de Nounou. Je venais prendre des nouvelles ; les nouvelles sont bonnes, à ce que je vois !

— Ô M. Maurice, dit Marielle, voyez donc le beau bébé !

À son tour, Maurice dut admirer le nouveau-né, féliciter Pierre Dupas et s’informer de la nouvelle maman, ensuite, Jean et Maurice quittèrent le « Manoir-Roux », où le bonheur semblait être entré depuis la venue de l’enfant.

Jean et Marielle furent les parrain et marraine. Ce premier baptême sur le Rocher aux Oiseaux se fit solennellement. Un prêtre vint de l’île Aubert. Pour le recevoir dignement, toute l’île avait été décorée de drapeaux, d’inscriptions et des arches enguirlandées de feuillages et de banderoles avaient été érigées. La « Villa Grise » fut mise à la disposition du prêtre, que Maurice était allé chercher à l’île Aubert et que Pierre Dupas et Jean avaient reçu au débarcadère. Firmin, le domestique de M. Jambeau, fut mis au service du prêtre, qui passa huit jours sur le Rocher, au grand bonheur de tous.

M. Jambeau avait élu domicile au « Gîte », car on ne pouvait le laisser seul à la « Villa Bianca ».

Jean, nous l’avons dit, fut parrain de ce nouveau citoyen du Rocher aux Oiseaux, Marielle fut la marraine, et Nounou porta l’enfant au baptême, ce dont elle ne se montra pas peu fière. Maurice devint « bedeau » pour la circonstance, sonnant à toute volée la cloche de la chapelle, cloche que Jean avait installée, non sans peine, dans le petit clocher surmontant la chapelle.

L’enfant des Dupas reçut au baptême le nom de Guy.

Un grand repas fut servi au « Manoir-Roux », après le baptême ; à ce repas assistaient le prêtre, Pierre Dupas, Jean, Marielle, Maurice Leroy, M. Jambeau, que Max avait emmené en voiture et le Docteur Le Noir. Max, lui aussi assistait au repas, puis Nounou, puisqu’elle avait été porteuse. Firmin, le domestique de M. Jambeau et Chérubin, le domestique de Maurice, servaient le repas de baptême.

Nous avons oublié de mentionner Louise Vallier, qui, elle aussi, assistait au repas. Louise ne faisait aucun cas de son petit frère. L’enthousiasme de tous semblait l’amuser fort et elle souriait méchamment aux exclamations de Marielle… Elle se montrait aussi désagréable qu’elle savait l’être et M. Jambeau, qui l’observait très attentivement, demanda à Jean, après le repas :

— La date de votre mariage est-elle fixée, Jean ?

— Nous nous marierons aussitôt que les Brassard seront arrivés, M. Jambeau répondit