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Page:Bourgeois - Manuel historique de politique étrangère, tome 2.djvu/10

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d’une fois le morcellement de la Belgique, et la France a payé bien cher la faute de s’être associée à ces marchandages ; elle a été à son tour victime d’un démembrement que ses voisins avaient peut-être souhaité plus complet. La paix armée est pour tous les souverains aujourd'hui ce qu’elle était pour les rois de Prusse au dix-huitième siècle, l’unique moyen de garder leur bien, en ne laissant pas échapper les occasions de l’accroître. S’il est un système qui règle les affaires politiques de notre temps, c’est celui-là : il n’a rien de nouveau. C’est un héritage que l’Europe a reçu du passé. La Révolution française n’a pas réussi à en diminuer les conditions onéreuses ou sanglantes.

Ce ne fut point la faute de ses doctrines, les plus contraires qu’on pût imaginer à l’abus de la force et aux pratiques de la raison d’État, aussi désintéressées qu’il le fallait pour corriger un régime politique réglé à l’excès par l’intérêt le plus étroit. Aux rois qui se plaisaient « à communier du corps eucharistique des peuples », la Révolution s’opposait au nom de la justice et du droit, proclamant comme un évangile la dignité et le respect inviolable de la personne et des sociétés humaines constituées en nations. Certes, les philosophes qui prêchaient avant 1789 cette religion, et nos pères qui l’adoptèrent, ne se trompaient pas en l’offrant à l’Europe comme le seul remède efficace alors : et, se l’appliquant d’abord à eux-mêmes, ils en firent connaître les bienfaits.

L’Europe comprit, en effet, dans un premier moment d’enthousiasme, la portée, l’étendue de cette Révolution qu’on a si bien qualifiée de révélation. Elle parut y adhérer, d’autant mieux qu’elle y était préparée depuis longtemps par la Réforme, plus récemment encore par la propagande des écrivains français. En proclamant le dogme de la souveraineté nationale, la France ne découvrait pas, elle ravivait une source d’idées et de sentiments que les politiques depuis le seizième siècle et les peuples eux-mêmes avaient trop souvent souillée et absorbée, mais où des nations, comme la Suisse, la Hollande, l’Angleterre, la