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Page:Bourgeois - Manuel historique de politique étrangère, tome 2.djvu/11

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Belgique trouvaient encore à satisfaire leur soif de justice, de respect pour les consciences et pour le passé. Sans doute plus d’un prince au dix-huitième siècle avait paru par ses réformes esquiver la Révolution dont la menace était redoutable ; les philosophes, attirés, cajolés par les politiques, avaient pu croire, sur la foi des paroles souveraines, au bonheur des peuples éclairés par leurs maîtres, et célébrer la ruine de la Pologne comme un progrès de la raison. Dans les doctrines de Rousseau, la Pologne cependant retrouvait une espérance et les fondements de son droit ; Jefferson y puisait les formules d’un catéchisme national nécessaire à la justification de la révolte américaine. Aux Américains opprimés, la philosophie du siècle avait encore de quoi fournir des armes juridiques ou un état civil, un code enfin. L’Europe semblait prête à l’accepter de la main des Français.

Par malheur, il y eut dès le début, au milieu de l’enthousiasme, un malentendu que les bonnes volontés mutuelles masquèrent d’abord. Préparés par le cosmopolitisme littéraire qui explique les œuvres et l’influence de Rousseau à une sorte de religion internationale, l’Europe s’attendait, en 1789, à ce que la Révolution fît une œuvre absolument désintéressée et se consacrât à toutes les nations en général. Pour la plupart des penseurs et des peuples qui applaudirent aux déclarations des assemblées françaises, ces assemblées étaient plutôt un rendez-vous assigné aux députés de l’Europe que des chambres de législateurs français, patriotes et réformateurs. Et, d’autre part, à voir ces dispositions autour d’eux, les membres de la Constituante, de la Législative surtout, purent croire que leur œuvre, si profondément nationale, s’adapterait sans difficulté a l’Europe. Ce fut l’illusion qui inspira leur propagande.

Cette illusion eût été sans conséquences, avec le temps les points de vue différents se seraient corrigés, rapprochés si, en attendant, la Révolution eut établi un code mutuel des peuples, comme elle revendiquait les droits de l’individu dans les États. C’était là ce qu’avait négligé la Réforme: