Page:Bourgeois - Manuel historique de politique étrangère, tome 2.djvu/15

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ils n’auraient pas de peine à le reconnaître, et, peut-être, le trouveraient-ils plus achevé. C’est encore l’esprit politique de l’ancien régime qui inspire le nôtre. Les événements de 1792 ne l’ont point aboli : plutôt au contraire l’auraient-ils servi et répandu, en lui ouvrant un champ plus vaste et des milieux nouveaux. Ils ont précipité l’histoire de notre temps, ils ne l’ont pas détournée de la route où l’engageait l’évolution du siècle précédent.

Il faut cependant reconnaître que les Français en hâtant, en étendant le cours de cette évolution, ont contribué à lui trouver, à lui constituer des limites. Au dix-huitième siècle, les grands États avaient pratiqué, avec d’autant plus de succès, leur politique brutale qu’ils avaient chacun leur terrain de chasse réservé où leurs ambitions risquaient moins de se rencontrer : la Russie, les plaines de l’Est ; la Prusse, celles de l’Allemagne ; l’Angleterre, les mers et les colonies. La France, au temps de la Révolution et de l’Empire, par l’effet de sa situation historique et géographique ne craignit pas d’envahir tous ces domaines à la fois. Ce ne furent plus des partages particuliers, mais un partage de l’Europe et de l’Orient qu’elle mit avec Napoléon a l’ordre du jour. Dans les grands combats qui s’engagèrent alors pour la domination du vieux monde, tous les États se trouvèrent aux prises avec la France et entre eux. Il arriva comme dans les luttes de la nature, que les sociétés les plus faibles disparurent au profit de celles qui avaient des ressources de puissance et d’avenir. Alors le monde européen se trouva, en 1815 déjà, composé d’un moins grand nombre d’éléments, mais d’éléments plus forts, plus rapprochés, et partant plus jaloux. Cette tendance après le congrès de Vienne n’a pas cessé de s’accentuer : les petits États, les provinces d’Allemagne, la Prusse elle-même, ont de plus en plus subi le joug d’un grand État fortement uni sous le gouvernement de l’Autriche, accrue par la diplomatie de Metternich : même phénomène se vit en Italie. L’Europe sembla réduite en 1820 à un directoire de quatre États. Mais ces grandes puissances, qui n’avaient autrefois