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Page:Bourges - Le Crépuscule des dieux, 1901.djvu/23

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le crépuscule des dieux

de calèche déboucha devant eux au grand trot, suivie d’un peloton de carabiniers, en désordre. Très basse, dorée, peinte aux portières et ne pesant pas un fétu à ses quatre petits steppeurs noirs, cette coquille rococo était menée bride abattue, par Otto, le plus jeune fils de Son Altesse. L’enfant atteignait à ses douze ans, mais il en paraissait bien seize ; grand et fort, la mine impudence, d’étranges yeux gris-vert, le poil d’un roux sombre. Sa sœur auprès de lui, qui était sa cadette, fort blanche et extrêmement blonde, jusqu’aux sourcils même et aux paupières, ressemblait, serrée dans son corps d’un damas vieil argent ramagé, à quelque infante de tableau, frêle et hautaine. En arrière, sur un strapontin, ni plus ni moins que deux valets, se tenaient le baron de Cramm, gouverneur du comte Otto, et une jeune Italienne, assez modestement parée, mise là ce soir pour tenir la place de la gouvernante de Claribel, morte peu de jours auparavant. On l’avait choisie sur ses beaux yeux, et parce qu’étant fort bien faite, avec les manières du monde plus qu’il n’appartenait à son obscur emploi de camériste de la garde-robe, Emilia pourrait, sans ridicule, figurer dans l’apparat.

Tous descendirent du carrosse, se groupèrent au haut du perron, où le comte et M. Smithson déployèrent près des deux enfants, la galanterie la plus empressée. Ils étaient les seuls légitimés des cinq bâtards de Son Altesse, et traités sur le