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Page:Bourges - Le Crépuscule des dieux, 1901.djvu/35

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le crépuscule des dieux

Hunding entra, l’époux de Sieglinde et le maître de la demeure.

Mais l’attention n’était pas à la scène, et se détournait sur la loge, par des coups d’œil furtivement jetés, et de rapides chuchoteries. Dès l’entrée du chant de Sieglinde, le Duc, surpris, avait levé la tête. Il consulta son billet de programme imprimé en lettres dorées. Sieglinde se nommait Giulia Belcredi. Elle avait été amenée de Munich par Wagner lui-même, à qui elle s’était offerte pour chanter, aussitôt le gala proclamé. Le Duc l’avait à peine vue, le jour de la présentation, l’oubliant depuis si parfaitement, qu’il ne la reconnaissait point. Avec sa lorgnette il l’examina, et elle lui parut touchante dans son ample vêtement blanc, tandis qu’elle attachait sur Siegmund, son frère inconnu, des yeux déjà brûlants d’amour. Mécontent qu’on l’observât ainsi, et pour dérouter les fâcheux, Charles d’Este se mit à déguster tranquillement un sorbet posé près de lui, sur une tablette, et entre temps, il lorgnait l’assemblée, jouant à se nommer tout bas les visages d’après les épaules, — car il était bien peu de femmes de sa cour qu’il n’eût pas eues à son commandement, — et cherchant si qui que ce soit ne manquait à la fête. Mais non, tout Blankenbourg était là, et même il échappa au Duc comme un geste de ressouvenir :

— Avez-vous au moins, monsieur d’Œls, signifié mes ordres à Bergmuller ?