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Page:Bourget - Études et Portraits, t1, Plon-Nourrit.djvu/172

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tard !… Il prétend, lui, le courageux écrivain et qui n’a guère fait d’aveux plaintifs devant les autres, que ces deux mots contiennent l’histoire secrète de sa vie, et que tout lui est arrivé trop tard de ce qui, venu plus tôt, lui aurait comblé le cœur, — si le cœur peut être comblé. — Trop tard !… Cette devise est-elle vraie des événements de cette vie ? Il est malaisé d’en juger ; car M. d’Aurevilly, au rebours de la plupart de ses contemporains et des plus illustres, n’a pas dévoilé dans des Mémoires ou des Confidences le roman de ses bonheurs ou de ses mélancolies, et un mystère demeure sur sa lointaine jeunesse, sur la période surtout de cette jeunesse dont il ne reste aucune trace littéraire. Mais ce qui domine les faits matériels de notre vie, ce qui les crée même, en un certain sens, — car de ces faits rien n’existe pour nous que leur retentissement dans notre âme, — c’est notre personne ; et la devise du cachet de M. d’Aurevilly apparaît comme évidemment exacte pour qui connaît la personne qu’il est aujourd’hui, qu’il a dû être à vingt ans. Il offre un rare exemple, et d’un intérêt singulier pouf le psychologue, de facultés[1] qui n’ont rencontré ni leur milieu ni leur époque. Il a eu, dès son adolescence où il vit Brummel, et il a conservé dans son âge mûr où il connut d’Orsay, le goût passionné de l’aristocratie. Le dandysme, dont il a donné une

  1. Quelqu’un l’a défini très finement : un pur-sang dans un cirque.