Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/108

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livrer sans cesse à cette inquisition du petit détail dont les plus nobles jalousies sont victimes. Elle remarquait chaque nouveau brimborion de jeune homme que son fils portait, et elle se demandait s’il ne s’y rattachait pas quelque souvenir de son coupable amour. Il avait ainsi au petit doigt un anneau d’or qu’elle ne lui connaissait point. Que n’aurait-elle pas donné pour savoir s’il y avait une date et des mots gravés à l’intérieur ! Il lui arrivait, lorsqu’elle l’embrassait, de respirer sur lui un parfum dont elle ignorait le nom, et qui était certainement celui qu’employait sa maîtresse. Toutes les fois que Mme Liauran retrouvait cette odeur, d’une finesse pénétrante et voluptueuse, c’était comme si une main lui eût physiquement serré le cœur. Enfin, au degré de passion où elle était montée, tout devait faire et faisait blessure. Si elle constatait qu’il avait les yeux battus, le teint pâli, elle disait à sa mère : « Elle me le tuera. » C’avait toujours été l’habitude, dans cette maison de mœurs simples, que les lettres fussent remises en mains propres à Mme Liauran, qui les distribuait ensuite à chacun. Hubert n’avait pas osé demander à Firmin, le concierge, de faire infraction pour lui à cette règle. N’était-ce pas mettre ce domestique dans le secret des dissentiments qui le séparaient de sa mère ?