Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/118

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les boucles frisées de sa chevelure, il rappelait ce type, immortel à travers les races, du visage du Faune, où les anciens ont incarné la sensualité heureuse. Ce qui achevait de lui donner ce caractère d’un charme physique auquel il devait d’avoir inspiré de nombreuses fantaisies, c’était la souplesse de mouvements particulière aux êtres chez lesquels la force vitale est très complète. Il était de moyenne taille, mais athlétique. Quoiqu’il fût particulièrement ignorant et d’une intelligence très médiocre, il possédait le don qui fait d’un homme ainsi bâti un personnage dangereux : il avait à un rare degré ce tact et ce flair qui révèlent la minute où l’on peut oser, où la femme, créature en rapides passages, en fugitives émotions, appartient au libertin qui la devine. La Croix-Firmin avait donc eu beaucoup d’aventures, et, quoique sa naissance et sa fortune dussent faire de lui un parfait gentleman, il les racontait volontiers. Ces indiscrétions, au lieu de le perdre, lui servaient, si l’on peut dire, de réclame. En dépit de ses légers discours et de son insolente fatuité, ce jeune homme n’avait gardé pour ennemie aucune des femmes qui s’étaient compromises pour lui, peut-être parce qu’il ne représentait à leur mémoire que de la sensation heureuse et sans lendemain. C’est l’étoffe