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Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/159

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en avoir la honteuse énergie. Et cette interrogation, elle allait avoir à l’affronter ; elle la lisait entre les lignes de la dépêche. Ah ! qu’allait-elle faire, maintenant, si elle avait deviné juste ? Elle avait bu du fiel de la honte tout ce qu’elle en pouvait supporter. Aurait-elle le cœur de boire cette goutte encore, la plus amère, et de trahir une fois de plus son unique amour par une nouvelle tromperie ? Du moins, si elle était franche, il faudrait bien qu’Hubert l’estimât de cette franchise, et si elle ne l’était pas, comment elle-même se supporterait-elle ? — Oui ; mais parler, c’était la mort de son bonheur. Hélas ! est-ce qu’il n’était pas mort déjà depuis son retour ? Est-ce qu’elle retrouverait jamais ce qu’elle avait senti autrefois ? À quoi bon disputer au sort ce reste mutilé, souillé, d’un divin songe ?… Et, toute cette nuit, elle plia sous l’agonie de ces pensées, faible créature née pour toutes les noblesses de l’amour unique et fidèle, qui avait entrevu, possédé son rêve ; et puis elle en avait été dépossédée par la faute d’un être caché en elle, mais qui, cependant, n’était pas elle tout entière.