Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/37

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un de ces cultes secrets comme les femmes très pures en inspirent parfois à leur insu aux misanthropes, et George avait cette nuance de pessimisme qui se rencontre chez beaucoup de viveurs de cercle. Le genre de caractère de cet homme, qui, en toute matière, était toujours incliné à croire le mal, faisait pour le général l’objet d’un étonnement que l’habitude n’avait pas calmé ; mais ce soir-là il négligeait d’y réfléchir, le souvenir de George Liauran ne faisant qu’aviver davantage celui d’Hubert. Invinciblement, le digne homme en arrivait à cette évidence : les deux pauvres Saintes ne pouvaient être tristes à ce degré qu’à cause de leur enfant. — Oui, mais pourquoi ?… Ce point d’interrogation, où se résumait toute cette rêverie, était plus présent que jamais à l’esprit du comte lorsque son équipage de douairière s’arrêta devant sa maison. De l’autre côté de la porte cochère, une autre voiture stationnait, dans laquelle Scilly crut reconnaître le petit coupé que Mme Liauran avait donné à son fils. « Est-ce vous, Jean ? » cria-t-il au cocher à travers la pluie. « Oui, monsieur le comte… » répondit une voix que Scilly reconnut avec saisissement. « Hubert m’attend chez moi, » se dit-il ; et il franchit le seuil de la porte, en proie à une curiosité qu’il n’avait pas éprouvée à ce degré depuis des années.