Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/122

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qui sont comme une escorte en disponibilité, au service de toute fortune assez ample pour comporter des dîners de dix-huit couverts, une grande chasse, des bals avec cadeaux au cotillon, et une loge à l’Opéra. Ils se composent, ces boscards professionnels, de grands seigneurs plus ou moins tarés, à la recherche d’une participation ; d’artistes intrigants, en quête d’une commande, buste ou portrait ; de courtiers en frac et en gilet blanc, qui flairent un brocantage fructueux ; d’étrangers à références douteuses et qui jouent aux gentlemen avec une correction un peu trop décorative. Joignez-y un personnel de femmes à moitié compromises, d’aventuriers de cercle et aussi de très pratiques épicuriens, à l’affût, eux, tout simplement, du bon dîner, du cigare de choix, des vins fins et, dans la saison, des coups de fusil sur des vols de faisans à qui l’on n’a pas ménagé les œufs de fourmis. Ce peuple d’aigrefins se distribue en équipes diverses et d’une qualité plus ou moins choisie suivant le rang du richard qu’il s’agit de boscarder. L’équipe recrutée autour de Duret, d’un lanceur d’émissions aussi suspect, n’avait pu être que d’un ordre secondaire. Il en est des convives des parvenus comme de leurs maladies. Le mot du médecin, qui disait à un coulissier, victime de ses excès de table : « Vous n’êtes pas digne d’avoir la goutte, » enferme toute une philosophie des espèces sociales. Le caractère peu distingué des Boscards de l’équipe Duret s’était manifesté par un immédiat abandon après la ruine, qui aurait dû à jamais dégoûter Mathilde de cet à-peu-près social