Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/149

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l’opulence de leurs lourdes grappes de raisins violets au-dessus de la terre rouge, un clos de rosiers en fleur, un bois d’oliviers argentés tout auprès, et les rochers qui séparent ce bois de la Méditerranée, toute bleue et blanche de voiles ?… Quel rapport cette vision avait-elle avec l’homme de lettres qui griffonnait maintenant les quelques lignes complémentaires de son article, d’une main soignée et fine où brillaient deux belles pierres ? Cette main n’avait jamais touché un outil rustique, sinon dans sa plus lointaine enfance. Etait-ce pourtant la nostalgie de la terre qui reprenait l’écrivain connu ? Etait-ce le provincial qui reparaissait après trente années et plus dans le Parisien ? Ou bien devinait-il que le bonheur de cette fille qui lui ressemblait d’âme comme elle lui ressemblait des yeux, était là-bas, loin, bien loin des millions du fils Faucherot, loin de Paris, — loin de quoi et de qui encore ?… Mais déjà la vision s’était effacée. Hector avait ramassé les feuillets corrigés de ses épreuves, il les avait donnés à Cartier, il avait boutonné sa pelisse, et, touchant de sa main le bord de son chapeau, froidement, dignement, comme il sied à l’un des princes de la critique vis-à-vis des simples reporters qui besognaient là tardivement, il avait quitté la salle de rédaction, sans entendre les propos que les petits journalistes, ainsi salués, échangeaient maintenant sur le compte de leur aîné. — « C’est encore un de nos jolis chapeaux vissés, le père Le Prieux, » faisait l’un. — « Et penser qu’à son âge tu seras peut-être