Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/161

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discours de rigueur devant le public habituel de ces solennités parisiennes était le seul sentiment commun, on le devine, à Mme Le Prieux et à sa fille. Celle-ci trouvait, dans cette union de leurs pensées sur ce point, un apaisement secret au remords qu’elle subissait, chaque fois qu’elle était contrainte de reconnaître l’égoïsme de sa mère : « Mon Dieu ! » se disait-elle encore, « on nous l’a répété bien souvent : si M. Le Prieux voulait seulement faire un livre, il serait nommé. Là-bas, Charles et moi, nous le lui ferons faire, ce livre, Et nous aurons aussi la pauvre chère Fanny… » La « pauvre chère Fanny » était une vieille demoiselle, du nom de Perrin, qui avait donné à Reine ses premières leçons de piano, et qui restait attachée à la famille, à titre de demi-dame de compagnie et de promeneuse. Moyennant une faible rétribution, elle venait du fond des Batignolles où elle habitait, tantôt prendre la jeune fille pour l’accompagner dans quelque course, tantôt partager son repas et sa soirée solitaires, lorsque les parents dînaient en ville ou allaient au théâtre. Cette modeste et bonne créature était la seule vraie amie de Reine, malgré les savants efforts de sa mère pour lui imposer les élégantes camaraderies des cours aristocratiques, des catéchismes select et des œuvres bien portées. Reine enveloppait toutes ces intimités distinguées dans son irréductible antipathie pour la vie de luxe et de chic. C’était encore la fuite loin de ces corvées de fausse amitié qui lui rendait si attirante l’idée de l’existence dans