Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/192

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Je vous prie de vous trouver demain matin, mercredi, entre dix heures et demie et onze heures, sur la terrasse des Tuileries qui donne du côté de la Seine, auprès de l’Orangerie. Si vous ne m’avez pas vue arriver à onze heures, c’est qu’un obstacle absolu m’aura seul empêchée d’être là. Vous comprendrez, quand je vous aurai parlé, quel puissant motif a inspiré cette démarche à votre dévouée cousine. Reine LE P RI EUX. » Quand elle eut mis l’adresse à cette carte-télégramme : M. Charles Huguenin, 54, rue d’Assas, elle voulut relire ces lignes si froides, quoique tracées d’une main si brûlante, et elle ajouta ce post-scriptum, qu’elle souligna : « Je vous demande aussi de ne pas venir aujourd’hui rue du Général-Foy… » Ensuite, ayant fermé la petite feuille bleue, elle alla elle-même la remettre au domestique qui disposait le couvert pour le déjeuner, en lui donnant l’ordre de porter cette dépêche aussitôt. Elle était bien un peu pâle, en accomplissant cette action, pour elle si exorbitante, si en dehors de ce qu’elle avait jamais ou fait ou pensé à faire. Mais comme elle l’accomplissait ouvertement, franchement, sans se cacher, au risque d’être surprise par son père ou par sa mère, elle se disait qu’elle courait un danger