Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/195

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monde ne donne rien pour rien, et elle avait su comprendre ce que la situation de son mari lui permettait de donner, en effet, à ce monde, dont elle avait la folie. — Elle avait aussi discerné cette autre vérité qu’à Paris et de nos jours, il y a, non pas un monde, mais vingt, mais trente mondes, et que les ménages comme le sien, sans appui de famille et sans passé, doivent se résigner à une position un peu excentrique, ne se pousser à fond dans aucune coterie, et se faire leur cercle à eux, en touchant à tous ces mondes, sans essayer d’être absolument d’un seul. — Elle avait reconnu, enfin, cette troisième vérité, qu’il en est des relations comme la monnaie. Avoir un louis, c’est avoir vingt pièces d’un franc ; avoir cent francs, c’est avoir cinq louis. Il y a ainsi des relations maîtresses, si l’on peut dire, qui vous en donnent du coup dix, vingt autres, et des relations secondaires, qui ne vous donnent qu’elles-mêmes… La mise en jeu de ces axiomes pratiques était reconnaissable rien qu’à la composition de ce salon, par ce « Mardi », qui semblait à Reine, cette fois-ci, ne devoir jamais finir. Pourquoi la femme du journaliste avait-elle, assises sur un de ses canapés, la duchesse douairière de Contay et sa fille, la jeune et jolie comtesse de Bec-Crespin, sinon parce qu’elle avait trouvé le moyen, en vertu du premier de ces trois principes, de mettre au service des « œuvres » de la vieille duchesse, cette passionnée de charité, l’influence d’Hector dans les théâtres et dans la presse ? Donnant, donnant… Pourquoi, par ce même « Mardi »,