Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je ne pouvais pas en écrivant… Je ne sais pas si je pourrai même en parlant… » Telles étaient les phrases qui se prononçaient en elle, tandis qu’elle exécutait avec son soin habituel les menues besognes qui lui étaient réparties, avant les trois heures réglementaires où les deux salons commençaient de se remplir. Elle regardait aux fleurs des vases et aux plantes vertes, aux bibelots dans les vitrines et au feu de la cheminée. Elle surveillait la salle à manger où l’on disposait tout pour le goûter. Mme Le Prieux avait imaginé, pour agrandir son appartement de réception, de faire coulisser les portes de cette dernière pièce, qui, ouverte, prolongeait ainsi le grand salon. Ces soins, par trop matériels, n’étaient pas pour faire taire la petite voix intérieure qui rappelait à la jeune fille la toute voisine approche du redoutable entretien, et pas davantage les propos qu’il lui fallut écouter, quand affluèrent les visiteurs et visiteuses habituels… C’était pourtant un échantillon assez curieux du Paris contemporain que ce « jour » de la femme d’un simple journaliste, et l’aspect des trois pièces, vers cinq heures, prouvait que si Mme Le Prieux n’avait pas l’intelligence des sensibilités, elle avait au suprême degré l’instinct social, ce don particulier et indéfinissable de la relation. Ce succès était dû, comme tous les succès, à une vision juste des causes. Les événements qui avaient suivi la ruine et le suicide de son père avaient révélé à la Méridionale cette première et fondamentale vérité : que le