Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/205

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cœurs entre un père et son enfant, alors que tous deux n’ont l’un pour l’autre que respect, que dévouement, qu’adoration ! L’écrivain s’était hâté d’arriver dans son cabinet, avec l’espoir de surprendre sa fille, comme si souvent, et de provoquer entre eux, sans en avoir l’air, une explication sur ce mariage Faucherot, qui continuait de le troubler. L’ascendant souverain que sa femme exerçait sur lui l’avait empêché, la veille, de prendre Reine à part pour l’interroger. Il avait compté que la jeune fille aurait elle-même le désir de ce tête-à-tête, et ce lui fut une vraie déception, lorsqu’il entra dans son atelier de copie et qu’il vit la table si bien rangée, son papier préparé, ses plumes disposées, le feu qui brûlait clair, et la douce fée déjà envolée, qui avait présidé à ce rangement. — « Elle n’a pas voulu que nous causions de ce mariage, » songea-t-il. « Pourquoi ? » Pendant que le père se posait cette question sans y répondre, et sans oser non plus aller dans la chambre de sa fille, par déférence pour ce qu’il croyait être son désir, Reine se disait : — « Il travaille tranquillement. Il est content… S’il savait à quel prix ?… Qu’il ne le sache jamais !… » Certes elle était bien sincère en se parlant de la sorte. Cette idée de l’inconscience paternelle lui était pourtant si pénible qu’elle éprouva une sensation d’extraordinaire soulagement, — sa première sensation douce depuis le funeste entretien