Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/227

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dont l’injuste brutalité la poursuivait, ce « non » entré soudain jusqu’au fond de son cœur, comme une pointe de flèche, déchirante et brisée dans la plaie. Elle allait, littéralement hallucinée par l’intolérable douleur de cette pensée : « Il ne croit pas en moi !… » ne voyant ni les rues, ni les passants, ni sa silencieuse compagne, qui n’osait pas l’interroger, et ce lui fut comme le réveil d’une transe de somnambulisme, lorsque, arrivées au square Delaborde, et sur le point de s’engager dans la rue du Général-Foy, la timide Fanny se décida enfin à lui parler : — « Je ne vous questionne pas. Reine… Je n’en ai pas le droit, et pourtant je voudrais, avant de nous quitter, vous faire deux demandes… Je vous ai prouvé, n’est-ce pas, combien je vous aimais, combien je vous estimais ?… » — « Chère Fanny !… » fit la jeune fille, et elle serra la main de son amie avec une reconnaissance qui enhardit celle-ci à continuer. — « Puisque vous le sentez, vous devez être sûre, bien sûre, que je vous parle dans votre intérêt, pour le mieux de ce que je devine… Même avant aujourd’hui, allez, j’avais compris bien des choses… Ma première demande, c’est que vous me promettiez d’attendre un peu pour vous décider sur ce mariage que l’on veut vous faire faire… La seconde… » — « La seconde ?… » insista Reine. — « La seconde, » et la pauvre promeneuse eut la pourpre de tout son sang aux joues pour achever