Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/235

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cette vision de la vieillesse anticipée de son père lui toucha le cœur, à une place bien profonde, et plus encore le regard par lequel ce père accueillit l’annonce de ses prochaines fiançailles. Mais l’une et l’autre impression était pour la raffermir encore dans sa funeste volonté. — « Mon ami, » avait dit Mme Le Prieux, avec le mélange de solennité et de familiarité où elle excellait, » je vous présente la future Mme Edgard Faucherot, » et, sur un geste de son mari : « Mais oui, » avait-elle insisté, « Reine m’a donné sa réponse. Elle accepte, et, du moment qu’elle accepte, nous avons pensé, elle a pensé que le plus raisonnable était de le faire savoir tout de suite à l’excellent ami qui s’est chargé de cette ambassade… Je vais écrire à Crucé… » — « Elle accepte ? » avait répété l’écrivain, et c’est en prononçant ces mots, d’une voix tremblante d’émotion, qu’il avait regardé Reine. Celle-ci vit dans les yeux du pauvre homme cette expression indéfinissable d’étonnement et de pitié qu’elle avait déjà discernée la veille, et qui l’avait tant troublée. Elle avait cru y lire le remords du sacrifice demandé. Ses yeux, à elle, se détournèrent, et, mentalement, le père attribua cette visible gêne de sa fille à une espèce de honte. Ne sachant rien de la conversation que les deux femmes avaient eue ensemble, comment n’aurait-il pas cru que Reine consentait à faire un mariage riche, simplement parce que c’était un mariage riche ? Quelque chose pourtant protestait en lui contre une hypothèse