Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/336

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Voilà un mauvais temps pour les rhumatismes… André phi m’a fait appeler ce matin. Il a la patte prise. « Vous n’avez pas de maladie, » lui ai-je répété, « vous avez une cave… Plus de vin, plus d’alcool et plus de douleurs… » Mais c’est comme ce pauvre Darian, le proviseur… Un colosse. Il m’aurait tué d’un coup de poing. Nous étions nés le même jour. Je l’ai enterré en 1845… .Sans son bon vin, il n’aurait pas eu la goutte, et, sans la goutte, il vivrait encore… Hé ! Hé !… » Puis, après un rire silencieux, et quand mon oncle l’eût invité à s’asseoir au coin du feu, il tira de la poche de son éternelle redingote marron, avec ses longs doigts, un objet enveloppé d’un papier, et il commença de le défaire, en disant : « Devinez ce que c’est que cela ? C’est l’Hermès Psychagogue de notre ami Montescot. Et devinez où je l’ai trouvé… Cette montre d’or qui a été volée à son pupille, vous avez dû vous demander avec quel argent le pauvre homme l’avait achetée ?… Moi aussi. Seulement moi, j’ai cherché. Je suis allé chez deux ou trois horlogers… Tu as l’air souffrant ? » me demanda-t-il, en s’interrompant, et c’était vrai que ce début de discours avait comme physiquement arrêté mon cœur. Puis, sur ma réponse négative, il reprit : « Enfin j’ai mis la main sur le père Courault, l’horloger-orfèvre de la rue des Notaires… Celui-là n’a même pas attendu ma question… « Ah ! monsieur le docteur, » m’a-t-il dit dès qu’il m’a vu, « j’ai quelque chose pour vous, un bronze antique, mais là ! un chef-d’œuvre » — et il me sort d’un tiroir