Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/69

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qu’il avait différées peut-être parce qu’il comptait, à ma vingt et unième année, me dire la vérité et me remettre cette petite fortune lui-même. Alors il s’est servi de Corbières parce qu’il était sûr de lui. Et ce Corbières était un honnête homme alors… En voulez-vous un signe ? Ma première et ma seconde année de pension m’ont été payées. La troisième, non. C’a été l’année du volontariat du fils. L’argent de ces deux années m’est arrivé par semestre, en billets de banque dans des enveloppes recommandées, sans autre mention que ces mots : d’après la volonté de Monsieur Robert. Hé bien ! Monsieur, j’ai eu plus tard de l’écriture de M. Corbières, c’était celle de ces mots et des adresses !… Mais je reviens à cette année 73. L’argent n’était pas venu. Je devais faire mon service militaire. J’avais quelques dettes. Qui n’en a pas ? Je n’avais pas le moyen de chercher la raison pour laquelle ma rente ne m’était plus servie, ni de m’engager dans des procès. Et puis j’étais très jeune, et, à cet âge, on est insouciant. On compte sur sa chance… Bref, j’entrai dans l’armée et vous savez le reste… » — « Mais comment avez-vous retrouvé les Corbières ? » lui demandai-je. — « Vous voulez dire comment les Corbières m’ont-ils retrouvé ? Car c’est eux qui m’ont cherché. Ils ont eu des remords, voilà tout. Quand on approche de la fin, on a de ces peurs, paraît-il. On voudrait alors carotter le bon Dieu… » Il rit de nouveau, de ce rire silencieux qui découvrait le trou noir de sa bouche édentée. « Ils ont donc voulu savoir