Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/94

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Je conclus que si Dieu n’existe pas, je ne peux pas rendre le dépôt. Je le peux s’il existe… Ah ! si je pouvais croire en lui ! » ajouta-t-il avec un soupir que j’entends encore après seize ans. Oui. Il y a seize ans déjà qu’Eugène me tenait, sous le coup immédiat des événements que j’ai racontés, ce discours dont je n’ai pas à discuter la logique, et depuis ces seize ans, il est arrivé, à travers quelles autres tempêtes intérieures, je ne l’ai jamais su, à la solution qu’il m’indiquait dans cet entretien et qu’il désirait si passionnément sans que sa raison se rendît tout à fait à ces raisons du cœur qui criaient en lui. Je répète ce que je disais en commençant, que je suis ici un simple témoin et qui n’apprécie pas. Eugène n’a plus aujourd’hui ni son père ni sa mère. Tous deux sont morts : elle, apaisée enfin par le pardon de leur fils ; lui, n’ayant jamais soupçonné que ce fils savait tout. Pierre Robert est mort, lui aussi, quoique Corbières l’ait disputé à la maladie avec acharnement. Et lui-même, ses collègues l’ont vu, avec une stupeur que les années n’ont pas dissipée, brusquement, peu de temps après ces trois morts survenues coup sur coup, quitter sa place enviée de médecin des hôpitaux, sa magnifique clientèle parisienne, la certitude