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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/140

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depuis ces deux derniers mois, personne ne voudrait croire à son innocence… Mais vous, monsieur de Maligny, Vous saviez qu’on n’y croirait pas. Quel a été votre but, en lui prenant son cœur et en la compromettant, si vous n’avez pas pensé à faire ce que dit l’éditeur de ce papier ?… » Il froissa la feuille entre ses robustes doigts, avec l’énergie qu’il aurait eue pour allonger un coup de poing sur la face de celui qu’il appelait de ce terme tout britannique d’éditeur… « Oui, si vous n’avez pas pensé à cela, quelle a été votre intention ?… À votre tour de parler. »

— « Je pourrais vous dire que vous n’avez pas qualité pour m’interroger, monsieur Corbin, » répliqua Jules. Il se sentait comme pris à la gorge par la rude logique de ce sauvage Jack, soudain doué, grâce au sortilège de la passion, d’un véritable don des langues. Il avait débité son discours en français, avec quel accent, avec quelle prononciation ! Cette cocasserie n’empêchait pas que les reproches du cousin fidèle, de l’amoureux méconnu n’allassent ébranler, dans le cœur du jeune homme, une corde profonde. Elle s’y trouvait, avec tant d’autres, cette corde de la conscience, dans ce cœur si compliqué. Voici que, par une de ces volte-face presque instantanées dont sa nature de demi-Slave était coutumière, un remords s’élevait, en effet, chez lui. En même temps, son premier sentiment de révolte cédait la place à un étrange besoin d’arracher un mot d’estime à cet accusateur, lequel n’était pas tout à fait juste. C’est contre la part d’iniquité enveloppée dans ce dur réquisitoire qu’il protesta d’abord. « C’est vrai, miss Campbell est trop isolée pour que je ne reconnaisse pas à quelqu’un qui lui tient de près par le sang le droit de la défendre, même à son insu… J’accepte donc de discuter avec vous, et je vous réponds qu’en cédant au plaisir de l’accompagner