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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/141

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dans ses promenades au Bois, je n’ai jamais soupçonné que je pusse la compromettre… Vous en avez eu la preuve tout à l’heure, quand vous m’avez montré cet article… En ai-je été bouleversé autant que vous ? Répondez… Vous me demandez quelle a été mon intention ? Je n’ai pas eu d’intention. Je vous donne ma parole d’honneur que j’ai agi sans le moindre calcul. Tenez, je serai franc avec vous… Lorsque je suis sorti avec elle pour la première fois, je me suis permis de lui adresser des compliments qu’elle a jugés trop directs. Elle me l’a dit. Je lui en ai demandé pardon. Je me suis engagé à ne jamais recommencer. Interrogez-la vous-même. Vous saurez que je n’ai jamais recommencé. »

— « Vous avez fait pis, » dit Corbin en secouant la tête : « Vous vous en êtes fait aimer, quand vous ne l’aimiez pas… Je suis seulement un pauvre foreman[1] et je m’exprime très mal, monsieur le comte. Mais, si je ne connais pas bien le français, je connais Hilda et ses humeurs. Je sais quand elle est triste et quand elle est gaie, quand elle est franche et quand elle est fermée… »

Puis, réfléchissant une seconde afin de trouver une image qui rendit complètement sa pensée, il énonça, de l’air le plus sérieux du monde, cette phrase, digne en effet d’un foreman, mais Jules ne pensa pas à en sourire, tant elle était évidemment sincère :

— « Enfin, c’est comme pour un cheval, quand il a été longtemps à la maison, je n’ai qu’à regarder son œil et à le voir partir. Je vous dirai ce qu’il vous

  1. Foreman, chef d’écurie. L’auteur s’excuse ici, une fois pour toutes, n’étant que le greffier des conversations de ses personnages, de l’abus que peut faire John Corbin, des termes professionnels, comme aussi des tournures par trop britanniques de son français : « prenant soin de son bon renom… », « un réel ami… », « un lot de monnaie… », etc., etc.