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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/147

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avaient passé l’Atlantique, voici des années. Elles figuraient et figurent sans doute encore dans une des maisons de la cinquième Avenue, à New-York, habitée peut-être, — qui sait ? — par un parent des Campbell ou des Corbin, émigré là-bas au dix-huitième siècle et devenu milliardaire !… La vie a de ces fantaisies, plus contrastées que les laines de la rêche étoffe écossaise à laquelle s’était comparé le cousin de Hilda, — ce tweed dont était faite son insoulevable casquette. En fait, n’était-ce pas une de ces fantaisies folles de la vie, que la descente de cet escalier seigneurial par cet écuyer d’outre-Manche, sous le regard de l’arrière-petit-fils d’un des lieutenants du maréchal de Vieilleville, — lui-même le bras droit de Guise, le conquérant de Calais ? Et les deux hommes venaient d’avoir quel entretien, gros de quelles conséquences ! Firmin, le portier philosophe, ne se doutait pas à quel point il avait raison lorsque, dix minutes plus tard, refermant la porte sur le fantastique visiteur parti au trot allongé de son cheval, il jeta tout haut cette exclamation :

— « Défunt M. le comte en recevait bien, quelquefois, des Anglais ! » — L’ancien militaire pensait aux créanciers qu’il avait dû si souvent éconduire. Il les appelait, en franc cocardier, du nom classique qui remonte, disent les historiens de la langue verte, à la captivité du roi Jean. « Ces Anglais-là avaient l’air plus rassurant que celui-ci… Tout juifs qu’ils étaient, ils avaient des mines plus catholiques. Je devrais peut-être avertir Mme la comtesse… Dans ces histoires de garçons, c’est toujours les pauvres mamans qui finissent par écoper… »


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