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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/157

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depuis ces deux mois se représentaient à sa mémoire ; et tous, éclairés maintenant par le témoignage de Corbin, redoublaient la délicieuse évidence. « Elle m’aime, et je la quitterais ? Je m’en irais loin de Paris quand elle y est, quand je n’ai qu’à monter dans une de ces voitures pour être auprès d’elle en un quart d’heure ? Et je suis sûr d’être accueilli par ce regard et ce sourire, les plus doux que j’aie connus !… — Non… Je ne la quitterai pas… Que s’est-il passé, en définitive ? Qu’un méchant journaliste, payé sans doute par quelque soupirant éconduit, a publié, sur elle, une infamie… Hé bien ! mon devoir, c’est d’empêcher que ce drôle ou un autre ne recommence, puisqu’il paraît que nous intéressons ces messieurs… Où ai-je eu la tête d’écouter cet Anglais ? Comme si je ne savais pas que, dans son pays, on ne se bat pas en duel ?… Nous autres, nous nous battons, et nous sommes dans le vrai… Le voilà, mon devoir : la défendre, l’épée à la main. Quand on saura que je n’encaisse pas, on y regardera à deux fois avant d’écrire sur moi et sur elle… » L’action suivant sa pensée, Jules s’était levé. Le cri de guerre que l’aïeul avait poussé en chargeant sur les servants des couleuvrines devenait, du moins, de circonstance. Le jeune homme, pourtant, ne se le murmura pas. Il était tout entier à l’idée de cette affaire qu’il se proposait, maintenant, d’avoir avec le rédacteur masqué qui s’était choisi, de gaieté de cœur, ce flatteur pseudonyme : La Casserole. Jules irait-il d’abord au journal demander le nom véritable ? Quels amis choisirait-il pour l’assister ? Il avait hélé un fiacre à tout hasard et donné au cocher l’adresse de Raymond de Contay, le seul de ses camarades questionnés par lui qui lui eût parlé de Hilda avec respect. Qu’il y avait d’amour dans ce choix, et plus encore dans l’anxiété dont il fut saisi, en dépit de tous ses nitchévismes, aussitôt que