Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/163

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d’ici pour me rendre compte que vous m’avez donné là une grande, une très grande marque d’estime, et voilà pourquoi, je vous le répète, monsieur de Maligny, c’est à moi de vous remercier. »

— « Laissez-moi croire, » reprit vivement le jeune homme, « que vous ne voyez point uniquement, dans mon attitude, une marque d’estime… Vous aviez mis une condition à vos relations avec moi. Si je l’ai acceptée, cette condition, ce n’est pas seulement parce que vous êtes une jeune fille. C’est aussi parce que ces relations m’étaient, dès ce moment-là, trop précieuses pour que je ne leur sacrifiasse pas tout. Je leur ai tout sacrifié… Je n’ose pas dire que je n’y ai pas eu de mérite… Vous semblez croire qu’il m’a coûté surtout de renoncer à certaines idées sur la conduite des hommes avec les femmes que vous appelez Parisiennes… Détrompez-vous. Je n’ai jamais été un Parisien sous certains rapports. »

Il était de bonne foi, l’étrange garçon, en affirmant, comme il faisait par cette phrase, sa moralité dans les choses de l’amour, après avoir dépensé le meilleur de sa première jeunesse dans les pires légèretés de la galanterie la moins romanesque. Mais il était devenu, et en toute sincérité, pour ces quelques instants, exactement celui que la pauvre Hilda désirait qu’il fût, — par besoin de lui plaire, — et il continuait :

— « Non. Je n’ai jamais compris qu’il y eût, pour un homme, une humiliation à certains respects, je répète le mot, quand l’objet de ces respects en était vraiment digne. Et je vous en ai tellement crue digne ! je vous ai mise, dès le premier jour, si haut dans ma pensée, miss Campbell ! Vous m’êtes apparue comme une personne si différente de celles que j’avais rencontrées, jusqu’à présent, dans ce monde