Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/164

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de Paris, dont vous dites que vous n’êtes pas… Cela aussi m’a tant plu, que vous n’en fussiez pas !… »

La jeune fille, l’écoutait en baissant ses paupières où battait un frémissement nerveux. Ce n’était pas le seul indice de l’agitation où la jetait ce discours, si différent de ceux qu’elle et Jules tenaient l’un avec l’autre, depuis leur pacte. Son sang avait afflué à ses joues, puis reflué vers son cœur. Elle avait rougi et pâli, presque dans la même seconde, profondément. Ses belles mains, un peu masculines, et qui pouvaient être si calmes quand il s’agissait de dompter la fougue d’un cheval rebelle, n’auraient pas su, en cet instant, tracer une lettre ou un chiffre au livre des comptes de la maison Campbell, toujours ouvert sur la table, tant elles étaient tremblantes tout ensemble et crispées. Une de ces mains se leva, cependant, pour arrêter d’un geste le jeune homme. Puis, d’un accent qu’elle voulait calme, mais où la voix s’étouffait faute de souffle, la courageuse enfant répondit :

— « Ne continuez pas, monsieur de Maligny, vous venez de rappeler une promesse que vous m’avez faite sur votre honneur, » — elle eut l’énergie d’appuyer sur cette formule, celle même qu’elle avait employée dans cette lointaine explication. — « En la rappelant, vous y avez manqué… Vous n’y manquerez pas deux fois… »

— « Je n’y ai pas manqué, » interrompit Jules. L’extraordinaire ébranlement moral dont l’avaient frappé les révélations du passionné Corbin s’augmentait encore, depuis qu’il était là, dans l’atmosphère même où respirait celle qu’il aimait et dont il était aimé. Son pouvoir de contrôler et de gouverner sa sensibilité, pouvoir toujours bien faible, était littéralement aboli par ces secousses successives. Elles ne laissaient plus subsister chez lui qu’un grand émotif, incapable de résister à une impression, plus incapable encore de