Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/171

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— « Cela dépendra de vous, » répondit-elle. « Je serai votre femme, si vous le voulez… »

— « Si je le veux ?… Vous doutez donc de moi ?… » interrogea-t-il.

— « Non, » dit-elle, en secouant la tête. « Non, je ne doute pas de vous… Mais ce serait trop de bonheur, et j’ai peur du sort… »

— « Il n’y a pas de sort, » dit-il, « quand on veut. Je veux que vous soyez ma femme et vous la serez… Dites que vous me considérez, dès maintenant, comme votre fiancé ? »

— « Oui, » répondit-elle. Un sourire d’une infinie reconnaissance éclaira sa bouche fraîche, ses yeux bleus, ses joues minces, auxquelles la couleur était revenue. Dans la jeune fille si réservée, si calme d’aspect, la femme apparut. Jules voulut l’attirer sur sa poitrine. Elle se dégagea. La supplication passionnée de ses prunelles lui disait : « Je suis à vous tout entière, mon unique amour ; mais respectez-moi, respectez celle qui portera votre nom… »

Ce langage muet fut écouté de l’amoureux, qui demanda :

— « Ne me donnerez-vous pas un baiser, celui de nos fiançailles ? »

— « Ah ! mon aimé ! » osa-t-elle répondre. Et d’elle-même lentement, elle se pencha et mit son front sous les lèvres du jeune homme. Innocence et naïve volupté, qui devait être la seule de ces tristes amours ! Ce précoce libertin de Maligny, qui avait connu déjà, pourtant, bien des corruptions de la débauche parisienne, ne tenta pas d’obtenir davantage de la délicieuse enfant, qu’il sentait si à lui, si prête à lui donner toute sa vie. Il lui sera beaucoup pardonné, à cause du respect qu’il eut, à cette minute, pour cette chose si rare qu’elle en est sacrée : la candeur dans la passion, l’absolue pureté