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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/173

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— « Laissez, mademoiselle, » dit Jules en s’avançant de manière à se mettre entre le nouveau venu et la jeune fille, comme pour revendiquer aussitôt son droit de la protéger : « C’est à moi de m’expliquer avec M. Corbin… »

— « Vous ? » interrompit Jack sauvagement. « Vous ? » répéta-t-il ; et il acheva cette explication sur un autre monosyllabe, le plus injurieux de l’argot anglais. « You are such a cad ! »[1]

— « Ne me parlez pas ainsi, monsieur Corbin, » répondit Maligny, « vous le regretterez trop ensuite… Rappelez-vous plutôt sur quelles paroles nous nous sommes quittés, il y a deux heures… Vous m’avez dit : « Faites votre devoir… » Je vous ai promis de le faire… Je l’ai fait. Je viens de demander à Mlle Hilda si elle consentait à être ma femme. Elle vient de me répondre qu’elle consentait. Elle est ma fiancée, et je suis son fiancé. »

Le jeune homme avait repris la main de la jeune fille. Tous deux se tenaient debout en face de Corbin. Celui-ci les regardait avec une stupeur qui eût été comique si une souffrance ne s’y fût mêlée, intense et désespérée, et, cependant, courageuse. Aimant sa cousine comme il l’aimait, l’annonce qu’elle allait devenir l’épouse d’un autre devait lui être, lui était un véritable martyre. Il ne se reconnaissait pas le droit de le montrer. Il demanda simplement à miss Campbell, en anglais, d’une voix plus rauque encore qu’à l’ordinaire :

— « Est-ce vrai ; Hilda ? »

— « C’est vrai, Jack », répondit-elle.

— « Vous êtes engagée à M. de Maligny ? » insista-t-il.

— « Je suis engagée à M. de Maligny, » répéta-t-elle.

  1. « Vous êtes un tel goujat ! »