Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/206

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malheureux homme se faisait l’écho : On se contentera, ici, de mettre ce discours en français, tellement quellement, sans essayer d’en reproduire le pittoresque par des équivalents. Et, d’ailleurs, existent-ils ? La traduction d’un idiome dans un autre est toujours infidèle, même lorsqu’il s’agit de la langue classique, c’est-à-dire de mots à sens large et qui servent aux idées générales, communes à la plupart des gens cultivés. La transposition de l’argot d’un pays dans celui d’un pays voisin est pis que difficile. Elle est impossible. Prenons les plus simples exemples. Un Anglais dit d’une femme qu’elle est fast, il dit d’un homme qu’il est un masher. À ces deux mots, dont l’un veut dite rapide et l’autre écraseur[1] le slang attache une signification pour laquelle nous n’avons que des périphrases. La femme fast, — c’est la coquette, mais d’une certaine espèce, et tout anglaise, — l’élégante outrée, mais d’une certaine nuance, tout anglaise encore, — l’impudique, mais jusqu’à un certain point. Le masher, c’est le Beau, mais d’un certain type, — le Poseur, mais d’une certaine pose, — l’Ébouriffeur, l’Épateur, l’Esbrouffeur, mais dans une certaine ligne. Vous n’exprimerez pas cela en français, parce que ce ridicule, ainsi compris et pratiqué, n’est pas plus une chose française qu’autrefois le dandysme d’un Byron ou d’un Brummel. Bref, la femme fast et le masher, c’est la femme fast et c’est le masher. Formule digne des naïvetés que la légende prête à l’héroïque maréchal de La Palice. Elle explique, entre parenthèses, comment les écrivains français qui se trouvent parler des choses anglaises sont amenés à cet abus des termes britanniques, dont le présent récit est, lui-même, terriblement entaché. Le narrateur s’en rend

  1. To mash, mettre en capilotade, écraser.