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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/217

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de ce terme de passion, qui ramasse en lui, au contraire, les pires frénésies de l’âme en révolte. C’est le témoignage, inscrit dans la langue par l’observation spontanée des âges, que les fièvres de nos plus folles ardeurs n’émeuvent rien autour de nous dans l’implacable nature et que l’acceptation brisée, résignée, accablée, est leur fatal aboutissement.

Dans cette fuite loin de l’imprudent qui venait de la frapper si cruellement, Hilda était remontée droit à sa chambre. Que n’eût-elle pas donné, durant ces moments d’une si douloureuse crise intérieure, pour avoir, du moins la liberté de s’enfermer là, dans ce petit domaine bien à elle où toutes sortes de naïves reliques racontaient les épisodes gais ou tristes de son excentrique et innocente destinée : — des portraits de sa mère morte y voisinaient avec les photographies des chevaux qu’elle avait particulièrement aimés. Des fouets de chasse et des cravaches s’y groupaient en trophées autour d’un pied de cerf. La chevaleresque fantaisie d’un prince de race royale, touché par la grâce pure de la jolie enfant, lui avait fait les honneurs de cette bête, forcée dans une chasse très dure où Hilda n’avait pas cessé de tenir la tête. Les trois lys de la maison de France se voyaient sur le cartouche. À côté, un verset d’Isaïe, peinturluré sur vélin, en grandes lettres gothiques bleues et rouges, était suspendu dans un encadrement de bois doré. Elle l’avait choisi dans la Bible d’Oxford que lui avait léguée sa mère, et il exprimait bien la nature de sa foi, faite tout entière de soumission et d’espérance. Elle croyait, comme elle vivait, si simplement : « When thou passest through the waters, I will be with thee : — Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi…. »[1]. Un

  1. Isaie, XLIII, 2.