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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/226

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qu’une telle demande était simplement insensée. Elle avait résolu aussi d’éclairer sur Maligny l’autre femme, cette Mlle d’Albiac, dont le sort lui apparaissait déjà comme trop pareil au sien… Elle avait pensé à lui écrire, pour lui apprendre quoi encore ? Que Jules était coutumier de ces trahisons ? Et ensuite ?… Cesse-t-on d’aimer un homme parce qu’il vous trahit ?… Hilda savait, par son propre exemple, que la jalousie attache davantage le cœur qu’elle déchire… C’est alors que le projet de provoquer une explication avec Maligny lui-même lui était apparu. Et au moment où elle se demandait, pour la centième fois, quel joint trouver, la phrase de son père lui avait, subitement, laissé entrevoir une chance, bien fantasmagorique, bien périlleuse aussi, mais une chance, cependant. Elle l’avait saisie avec cette instantanéité dans le passage de l’idée à l’acte qui caractérise des secousses pareilles. Il fallait qu’elle revît Jules et elle avait employé un procédé que son instinct de femme — soudain éveillé par la jalousie — lui avait suggéré, là, sur place, comme le plus sûr, précisément parce qu’il était le plus extraordinaire, en apparence. Maligny n’avait jamais parlé à Corbin d’un achat d’une bête nouvelle. Il comprendrait donc, en recevant cette lettre du marchand de chevaux, qu’il se passait, rue de Pomereu, quelque chose d’extraordinaire. Ne fût-ce que par curiosité, il viendrait. C’était là un calcul bien machiavélique pour une enfant, toujours si spontanée, si vraie, si sincère que Hilda. Aussi n’avait-elle pas calculé. Ç’avait été une de ces ruses spontanées qui surprennent celui ou celle même qui les imagine. Une possibilité lui avait traversé l’esprit. Une phrase avait suivi, si rapide, que le son de sa propre voix prononçant les paroles, qui devaient déterminer son père à écrire, l’avait surprise d’une espèce d’étonnement épouvanté. D’où cette idée lui était-