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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/256

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comme l’assure maman, se serait-elle conduite autrement pour se faire épouser ?… Et le cousin ? Qu’ai-je jamais su du cousin ?… » Cet acte d’accusation contre la pauvre Hilda s’était dressé tout seul dans sa pensée, tandis qu’il relevait en riant les insinuations de Mme Tournade :

— « Ah ! vous êtes allée chez les Campbell chercher des bêtes. Comme c’est drôle ! J’ai été un des clients de cette maison. J’ai cessé momentanément de m’y fournir, à cause d’un article paru dans un journal. On y laissait entendre que j’avais pour bonne amie la jeune fille qui dresse les chevaux, miss Campbell elle-même. Tout cela parce que j’étais sorti avec elle au Bois deux ou trois fois, sans penser à mal. »

— « Avouez plutôt que vous lui avez fait la cour ?… », avait répondu Mme Tournade. « Et je le comprends. Elle est bien jolie… »

— « La cour ? » avait-il répété. « Jamais !… C’est une fille très honnête et qui n’a jamais fait parler d’elle… »

— « On en a pourtant parlé, et à votre propos. Vous venez de le dire vous-même. »

— « C’est justement pour éviter que cette infamie continuât que je n’y suis plus retourné. »

Le subtil garçon avait bien vu que son interlocutrice n’était pas convaincue. Il n’avait pas insisté. D’avoir défendu ainsi Hilda mettait sa conscience de galant homme en repos. Mais l’incrédulité persistante de la veuve avait achevé de le convaincre qu’elle avait eu des renseignements précis. Il aurait dû, puisqu’il se rappelait le perfide article du journal, en conclure que son idylle avec la charmante Anglaise avait été, à son insu, la fable de certaine milieux. Quoi d’étonnant, par suite, qu’elle eût été dénoncée à Mme Tournade ? Peut-être aurait-il raisonné