Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/265

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que cela recommence… Je ne veux pas lui écrire… Je ne pourrais pas… Mais vous, Jack, vous pouvez empêcher qu’il ne joue ainsi avec mon cœur. Vous le pouvez… »

— « Moi ? », demanda l’écuyer. Qu’il venait, lui aussi, de trop souffrir ! Seulement, il n’avait personne à qui dire ce plaintif : « mon ami », personne à qui montrer sa souffrance, et il entrevoyait une épreuve pire.

— « Oui, vous, » répondit Hilda. « Vous êtes le seul membre de ma famille qui ait su la démarche de M. de Maligny auprès de moi, quand il m’a demandé ma main. Car il me l’a demandée. Cela engage un homme d’honneur, tout de même. Vous avez le droit d’exiger de lui qu’ayant rompu le premier, il ne me rende pas impossible de conserver ma dignité… »

— « Vous voulez que j’aille lui parler ?… » interrogea Corbin. Une véritable convulsion de haine contracta sa face devenue livide, et la cicatrice de son front trancha sur cette pâleur comme un bourrelet de chair sanglante. Puis, saisissant les mains de sa cousine : « Hilda, »supplia-t-il, « n’exigez-pas cela. Moi non plus, je ne pourrais pas… »

Il avait mis, à ce refus et à cette étreinte, une si sauvage énergie, son accent s’était fait si poignant, que la jeune fille en fut frappée, même dans la crise de frénésie où elle se sentait emportée. Elle regarda son cousin. Elle n’eut certes pas l’intuition complète de la tragédie, identique à celle dont son cœur était la victime, qui se jouait dans le malheureux homme. Elle en comprit cependant assez pour qu’il lui fût impossible d’insister. Elle se tut, un instant. D’un geste qui, à lui seul, aurait dénoncé l’intensité de son émotion, elle appuya, sur son front et ses yeux, ses deux petites mains dont la finesse se reconnaissait,