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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/264

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avec lui un compte de leur sellier, qui lui paraissait trop élevé, et le brave homme n’avait pas cessé de chanter les éloges de Maligny. Cette vérification terminée, le gros Bob avait commandé qu’on attelât le tonneau. Il voulait aussitôt faire rectifier la note en question. Le fidèle Jack avait guetté le moment où sa cousine serait seule. Il accourait auprès d’elle, le cœur battant, comme s’il n’eût eu ni son âge, ni sa figure, ni son métier. Dans quelle disposition cette visite qui, lui, l’avait indigné, laissait-elle Hilda ? Allait-il l’entendre répéter ces paroles de mépris pour son rival qui, la veille, avaient répandu un baume sur la plaie ouverte de sa jalousie ? Il lui suffit d’entrer dans le bureau pour reconnaître, au seul frémissement de la voix, à quelle profondeur la jeune fille était bouleversée. Hélas ! Toute la douleur qu’elle venait de subir, elle se préparait à l’infliger. Pour elle aussi, à cette minute, mal d’autrui n’allait être que songe. Mais quelle est la femme, si généreuse soit-elle, qui plaint réellement un sentiment qu’elle inspire et ne partage pas ? « Vous l’avez entendu ?… »répéta-t-elle. Point n’était besoin qu’elle prononçât un nom pour que Corbin comprît quels discours, et de qui, elle relevait avec cette amertume. Ce n’était certes pas ceux que venait de lui tenir Bob Campbell. « Vous étiez tout près de nous, quand il a osé me parler, à moi, de cette créature… Si mon père n’avait pas été là, je vous jure, John, que je l’aurais chassé de chez nous… Je lui aurais dit, je lui aurais crié : « — Allez-vous-en, allez chez elle. Allez épouser cette « vieille femme pour son argent… Allez vendre votre nom, votre jeunesse… Mais ne m’outragez pas, moi qui n’ai rien fait que de vous aimer, honnêtement, loyalement !… » Je me suis crue plus forte que je n’étais, mon ami. Je viens de trop souffrir, et trop, c’est trop… Il ne faut pas