Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/291

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dans les horizons vaporeux d’une forêt d’automne. La brise qui détache les branches et suspend un instant en l’air la pluie des feuilles d’or caresse les fronts songeurs avec une douceur presque défaillante. Puis, cette brise se fait soudain vive et allègre, et voici qu’elle emplit, malgré tout, les poumons d’une fièvre d’agir quand la trompe sonne sur un ton de quête, et que le vent apporte un de ces appels dont les paroles légendaires expriment toute l’ardeur : « Au retour, valets, au retour ! Il est là, mes beaux chéris ! Il est là ! Oh ! oh ! au retour… » Ou encore : « Au retour, valets ! Hourvari, mes beaux ! Ha ! Ha ! Au retour, au retour ! Hourvari ! »[1]. Et puis, encore, les détours de la poursuite amènent le cerf et la meute à quelques pas… Adieu, alors, les monologues intérieurs et les nostalgies ! La chasse est la plus forte. Artémis est, pour un moment, victorieuse d’Eros… À une minute, et comme si la baguette d’une invisible fée s’était levée sur la forêt, cette magie de métamorphose agit sur les deux jeunes filles… Un « Bien allé » nouveau avait retenti, tout près. Du coup, d’instinct, le cheval de Mme Tournade et celui de Hilda s’étaient arrêtés, par imitation du cheval de Jules, que celui-ci avait retenu. Louise et son père s’étaient arrêtés aussi et la voix du jeune homme se fit entendre dans le silence de tous :

— « Ne bougez pas, Hector, » criait-il à son compagnon. « Les chiens se rapprochent… Le cerf va passer là, nous le verrons sauter… Tenez, l’apercevez-vous qui sort sur la route ? Il est blond, moyen de corsage… »

— « Sa tête est belle, » répondit Hector, d’un ton

  1. On trouvera toutes ces paroles et les airs adaptés dans le Nouveau Traité de chasses à courre et à tir, publié par MM. de Chaillou, de La Rue et de Cherville, dans l’Encyclopédie des chasses(Goin, éditeur).