Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/296

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qu’il ne relevât point le mot injurieux du cocher. Elle se changea en une anxiété d’un autre ordre, quand les deux femmes, s’étant rapprochées encore, il discerna l’expression de la physionomie de Mme Tournade. La plus violente indignation avait succédé à l’épouvante dans le cœur de la veuve, enfin rassurée. À son aspect de vieille beauté déconfite, plusieurs des assistants, dont Mlle d’Albiac, n’avaient pu retenir un sourire. La femme de quarante ans avait remarqué cette moquerie. Elle arrivait, atteinte dans tous ses orgueils, dans toutes ses prétentions, dans sa chair même, et ce qui mettait le comble à son humiliation, c’était le contraste entre le misérable état où cette équipée l’avait réduite et celui où l’écuyère se trouvait. Ce galop fou avait seulement avivé l’éclat du teint de Hilda, parée de toutes les grâces fières de sa jeunesse, et l’espièglerie de sa vengeance dissipa, une seconde, sa mélancolie. Aussi une rancune, exaltée jusqu’à la haine la plus féroce, frémissait-elle dans l’accent des premières paroles que prononça la femme offensée. Jules de Maligny, étonné, comme Corbin, de cette apparition, et toujours ménager, malgré ses insouciances et ses légèretés, du grand mariage possible, avait fait faire, à son cheval, quelques pas au-devant des deux survenantes. L’occasion de reprendre sa revanche s’offrait maintenant à Mme Tournade, et trop tentante. Elle regarda le jeune homme fixement, sans rien chercher à dissimuler de la colère qui l’étouffait. Elle affecta de ne pas répondre à son salut, et appelant son cocher :

— « Gaultier, » dit-elle, « venez m’aider à descendre de cheval. »

Lorsqu’elle eut mis enfin pied à terre, elle regarda de nouveau, avec cette même insolente fixité, Maligny, miss Campbell, miss Campbell et Maligny. Puis,