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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/295

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modérée, comme il l’avait imité dans son emportement, et c’est au petit trot que les deux femmes se dirigèrent vers ce rassemblement. Voici ce qui s’était passé : tandis qu’elles s’égaraient sur une fausse piste, le cerf, lui, égarait les chasseurs d’un autre côté. L’entrée en scène d’un second animal, emmenant derrière lui une partie de la meute, avait mis l’équipage en désarroi. Plusieurs d’entre les habits rouges s’étaient ralliés là, autour du prince de La Tour-Enguerrand. Ils s’occupaient à délibérer. Des voitures étaient venues les rejoindre, et, parmi elles, celle de Mme Tournade. Le gros Gaultier n’eut pas plus tôt reconnu la loque vivante qu’était, en ce moment, sa maîtresse, lamentablement balancée sur le dos de sa monture, maintenant calme, qu’il dit d’un air triomphal, à son compagnon de siège :

— « Regarde Madame. Tu vois l’état où l’a mise ce cheval. Je l’avais avertie qu’elle ne prenne rien chez ces brigands de Campbell. »

Cette phrase vengeresse, prononcée délibérément d’une voix très haute, visait John Corbin, qui se trouvait à deux pas de la voiture. Sur ce point, son aventure avait ressemblé à celle de sa cousine. Il avait galopé pour rejoindre, à tombeau ouvert, et, au terme de cette randonnée solitaire, aperçu, comme elle, le rassemblement à une extrémité d’allée. Il était accouru pour ne retrouver, des personnes qui l’intéressaient, que Maligny, d’Albiac et Mlle d’Albiac. De Hilda, nulle trace, ni de sa compagne. Tout d’un coup, il les avait vues qui débouchaient dans une avenue, sur leurs chevaux blancs d’écume. Ses yeux de sauvage, habitués à distinguer de très loin les moindres détails, avaient reconnu aussitôt, à vingt petits signes, qu’un événement extraordinaire avait dû se produire. Les bêtes s’étaient-elles emballées ? Cette inquiétude toute professionnelle suffit pour