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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/311

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accepté de demeurer, avec une rivale, en reste de délicatesse. Elle dit, à voix très haute, un : « Je vous remercie, miss Campbell, » auquel un regard d’une infinie douceur donnait sa vraie signification ; et elle commença d’aller en avant avec Corbin, tandis que Hilda galopait avec d’Albiac, — interversion de rôles qui ne dura guère. Un groupe de chasseurs apparaissait dans l’avenue. Avec quel battement de cœur les deux jeunes filles reconnurent aussitôt, parmi ces arrivants, la silhouette de leur commun ami ! Elles auraient pu dire : de leur commun bourreau. Mais celle qui eût été la plus justifiée de flétrir la féroce frivolité de Jules venait de le défendre si tendrement contre la plus méritée des accusations, et l’autre de croire si complètement, si complaisamment, à cet éloge. Si la magnanime Hilda eût gardé un doute sur le succès de son héroïque mensonge, elle l’aurait perdu, rien qu’à voir de quelle physionomie, transfigurée par le témoignage de sa rivale, Mlle d’Albiac abordait Maligny. Il avait, au contraire, lui, dans les prunelles, un regard de défiance, qui fut, pour la pauvre petite Anglaise, l’affront suprême. Sa première idée, en constatant que les d’Albiac avaient fait sa connaissance, à elle et à Corbin, était donc un soupçon ! Il allait faire pire. Lui aussi, un coup d’œil lui suffit pour se rendre compte des sentiments avec lesquels Louise s’avançait de son côté. Ils commencèrent de causer. Elle était trop délicate pour lui raconter la confidence faite par Hilda. Mais tout son être trahissait une admiration dont, si fin qu’il fût, il ne discerna pas la cause. Il l’attribua, le fat, à la joie d’avoir vu