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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/314

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pareils doutes jettent ceux qui les subissent dans des malaises voisins de l’irritation. Devinait-il, par une de ces intuitions comme en ont les séducteurs-nés, que chacun des coups portés par lui à ce cœur de jeune fille la lui attachait davantage, et cédait-il simplement à l’horrible goût de se faire aimer ? Qui pénétrera le mystère de cette alchimie intérieure où s’élaborent nos mauvaises actions ? Il aurait dû, constatant que Hilda n’avait pas cherché à lui nuire dans l’esprit de Louise d’Albiac, lui épargner, du moins, d’autres outrages et, à tout le moins, l’éviter. Une impulsion dont la seule excuse fut son inconscience, le fit, au contraire, chercher à se rapprocher d’elle. La Tour-Enguerrand s’arrêtait de nouveau, et les chasseurs avec lui. Tout d’un coup, Jules tressaillit. Mlle d’Albiac venait de lui dire timidement :

— « Vous savez que miss Campbell est peinée que vous l’ayez rendue responsable de la maladresse de Mme Tournade à cheval… »

— « Ah ! » demanda-t-il, « elle s’est plainte à vous ? »

— « Non, » répondit vivement la jeune fille, « mais je l’ai compris… Elle n’y est, cependant, pour rien. Le cheval est excellent, et la preuve, papa va sans doute, me l’acheter… »

— « Vous croyez vraiment qu’elle est peinée ? » insista-t-il.

— « Oui, » fit-elle, « allez lui parler… Vous le lui devez… »

— « J’y vais, » répondit-il. Et, faisant exécuter un demi-tour à son cheval, il vint se placer auprès de Hilda. Puis, à mi-voix : « J’ai été vif avec vous, miss Campbell. Je suis prêt à vous en demander pardon. Mais il est nécessaire que nous nous entendions une fois pour toutes… Est-ce la paix ou la guerre que vous voulez ? »