Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/316

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slave pour inventer une explication. Un crochet inattendu avait rapproché le cerf. Le maître d’équipage reprenait le galop, suivi par tous les assistants. Les deux jeunes gens firent comme les autres, et il ne resta plus personne dans la clairière qui avait servi de théâtre à cette scène, — presque la dernière de ce roman d’amour, — jouée dans cette paisible forêt, parmi le va-et-vient de la poursuite, les fanfares et les aboiements. Hilda, elle, était partie dans une allée parallèle à celle où s’engageait le gros des chasseurs. Elle y galopait, maintenant, seule, car la présence de John Corbin, qui la suivait à une petite distance, ne pouvait pas compter pour une compagnie. Il continuait à respecter, par son silence, une douleur dont il connaissait trop l’intensité passionnée pour ne pas redouter un suprême éclat. Comment l’empêcher ? Quel éclat ? Quelle démarche la dédaignée pouvait-elle encore tenter, alors qu’elle était venue à cette chasse contre toute sagesse, contre toute dignité, et qu’elle avait eu ces scènes successives avec Mme Tournade, Mlle d’Albiac et Jules ? Elle avait pu parler librement à ses deux rivales et au jeune homme. Quelle espérance gardait-elle ? N’avait-elle pas reçu assez d’affronts et de la brutale veuve et du féroce Maligny ? Pourquoi ne s’était-elle pas rangée à son conseil, qu’il n’osait pourtant pas lui renouveler à cette minute : celui de regagner Paris tout de suite ? Que méditait-elle ? Que voulait-elle ? Pourquoi cette fuite affolée et qui n’était pas une retraite, puisqu’elle continuait à errer dans la forêt, avec le risque, avec la certitude de rencontrer les chasseurs ? Ces fanfares, toutes voisines, en témoignaient trop, et trop ces aboiements des chiens… Hélas ! la misérable enfant ne méditait rien. Cette dernière méconnaissance de son cœur par celui qu’elle aimait, après