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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/320

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sa femme. Il ne pensait plus à Mme Tournade, et à ses millions, sans doute perdus. Son cœur ne battait plus que pour la blessée, qui, reprenant un peu ses sens, ouvrait les yeux. Elle regardait autour d’elle comme quelqu’un qui retrouve un demi-contact avec le monde extérieur. Elle aperçut Corbin et Louise d’Albiac penchés sur elle et elle essaya de parler, — puis le groupe des cavaliers et là-bas, au dernier rang, Maligny. Un cri involontaire s’échappa de sa bouche, et elle s’évanouit de nouveau. Corbin, qui avait suivi son regard, avait, lui aussi, reconnu Jules. Un rictus de férocité fit trembler ses lèvres, et impérieusement :

— « Soutenez-la, mademoiselle, » commanda-t-il, « moi, je vais chasser l’assassin. Oui, cet homme, » et il montrait l’autre de sa tête, « c’est à cause de lui qu’elle s’est tuée ! »

— « Mais ce n’est pas sa faute, » dit Louise.

— « Pas sa faute ? Vous ne savez donc pas qu’il a été son fiancé et qu’il l’a trahie ?… Soutenez-la ! » répéta-t-il, en abandonnant à demi la pauvre Hilda.

— « Vous voulez donc la déshonorer, » répondit vivement Louise. D’instinct, elle devinait le seul moyen d’empêcher une scène entre les deux hommes. « Il partira, et tout de suite ; c’est moi qui m’en charge. »

Ce dialogue, hâtif, à voix basse, avait-il été entendu de la malheureuse enfant, qui gisait, si pâle ? Elle rouvrit encore les yeux, voulut parler. Elle ne pouvait pas. Mais, déjà, Louise s’était redressée. Elle se glissait à travers les piqueurs et les chasseurs, de plus en plus nombreux.

— « Allez-vous-en, » dit-elle à Jules, quand elle l’eut rejoint, et, prenant la bride, elle força le cheval du jeune homme à se retourner. Elle répéta : « Allez-vous-en. »