Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/44

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temps. Un jeune homme apparaissait dans l’allée, au galop d’un cheval qu’il ne prit même pas le loisir d’arrêter… Déjà, il avait sauté à terre ; il avait couru droit sur le malandrin, qui, marchant sur lui, le couteau haut, lui criait :

— « Qu’on me laisse passer, l’amateur… Ça coupe, ça… »

— « Et ça ?… », répondit le jeune homme. « Ça coupe aussi, canaille. » Et, de sa cravache, il avait cinglé le visage du misérable, qui poussa un rugissement de douleur.

— « Ah ! la crapule ! » hurla-t-il, « mais je t’aurai, toi. Je t’aurai… » Et il porta à l’inconnu un coup furieux avec son arme, que celui-ci esquiva en se jetant de côté, et parant un nouveau coup d’un revers de main, il saisit la lame. Le sang jaillit de ses doigts ; mais il tenait le couteau que le brigand abandonna pour s’enfuir, à toutes jambes, à travers le taillis… Le jeune homme fit mine de se précipiter derrière lui. Puis il regarda du côté de la jeune fille. Il vit qu’elle ne bougeait pas. Il hésita un moment encore, et, haussant les épaules, comme si la chasse à l’assassin désarmé n’en valait pas la peine, il revint à la victime de cette infâme agression, afin de lui porter secours. Hilda était étendue sur le sol piétiné et foulé par la lutte de tout à l’heure. La réaction nerveuse de cette rapide et terrible aventure l’immobilisait. Haletante, les yeux grands ouverts, son frêle visage comme décomposé, avec ses traits délicats qui exprimaient une émotion si profonde, c’était une vision de grâce et de souffrance à ne jamais l’oublier. Son col, que le ruffian avait déchiré pour en arracher la petite broché, laissait voir, sur la peau blanche et blonde, les meurtrissures rouges laissées par les doigts brutaux, et la naissance de sa gorge virginale. Une des manchettes avait été mise en loques par le