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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/45

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geste rapace qui avait dérobé le bracelet. Dans son costume d’amazone, qui dessinait la ligne svelte et fine de son corps si jeune, elle inspirait plus de pitié encore, tant on la devinait enfant et toute fragile. Le cordonnet de soie élastique qui assurait son chapeau avait été brisé dans cette effroyable scène de pugilat, et, toute décoiffée, la tresse d’or de ses cheveux, échappée des épingles, roulait sur son épaule. L’Alogos, lui, continuait son métier de sans-raison, aiguisant, maintenant, ses dents sur l’écorce d’un petit arbuste voisin de son sapin. Il était arrivé à l’atteindre en allant jusqu’à l’extrémité de sa bride.

— « Êtes-vous blessée, madame ? », demanda le sauveur en se penchant vers la délivrée. Et il essayait de lui prendre les mains pour l’aider à se relever.

— « Non, » fit Hilda en remuant la tête. Il entendit à peine cette syllabe, plutôt soupirée qu’articulée, d’une voix éteinte. Puis, dégageant ses doigts par une pudeur instinctive, elle se redressa à demi, toute seule, et, les couleurs lui revenant avec un peu de force, elle continua, d’un accent plus perceptible : « Je n’ai rien, que le saisissement… Cela va me passer… Mais c’est vous, monsieur, qui êtes blessé… »

— « Moi ?… », dit le jeune homme en ouvrant sa main. Il faisait jouer ses doigts. « Je me suis coupé à la lame du couteau de cet apache, mais pas gravement. Ce ne sera rien… Les plaies ont saigné beaucoup. C’est mieux ainsi… » Il avait, en parlant, tiré son mouchoir de sa poche. Il commença à l’enrouler sur sa main malade. En quelques secondes, le linge fut rouge de sang. Tandis qu’il exécutait ce petit pansement, avec une mâle insouciance qui s’accordait bien à sa bravoure de tout à l’heure, la jeune Anglaise, revenue entièrement à elle, le regardait avec des yeux où la reconnaissance se mêlait déjà à une admiration. Il venait de lui sauver la vie, dans