Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/71

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pressentiments, des dédoublements de personnalité et de la communication avec les morts, aboutissent à des conclusions d’un mysticisme complètement opposé à leur point de départ ! La même aventure est arrivée au premier psychologue d’Amérique, M. William James, et au regretté fellow de Cambridge, M. Frédéric Myers. Concluons-en que le mot de Shakespeare, de cet admirable visionnaire des réalités profondes de l’âme, est strictement vrai. — Comme on le devine, Jules de Maligny ne s’était jamais donné la peine de pousser dans ce sens ses réflexions. Mais son hérédité slave se manifestait aussi par un goût pour l’extraordinaire. Il avait pris part, avec M. Graux, à plusieurs séances avec des médiums, et son tour d’esprit était assez voisin de la superstition pour que cette phrase de funeste présage, énoncée par le médecin, le poursuivit dans ces tout premiers instants. « Oui, il est un peu fou… » se répétait-il donc. « Et il m’a impressionné ! Voilà ce que c’est que d’être resté si longtemps à la maison et de m’y être anémié… Mais c’est comme au jeu ; quand il y a, au tableau, quelqu’un qui porte la guigne, je perds toujours. On n’est pas influençable comme cela !… Si le vieux Maligny avait été aussi pusillanime quand il fonçait sur l’artillerie du comte de Mesgue, aux cris de : France ! France ! Charge ! Charge ! Vieilleville ! il n’aurait pas pris ces canons… » Jules contournait les fossés des Invalides, en ce moment, et regardait les couleuvrines armoriées qui allongent leur cou de bronze au-dessus du parapet. Trois d’entre ces antiques joujoux de guerre passent, à tort ou à raison, chez les Maligny, pour avoir été enlevés sur les Espagnols par le plus connu de leurs ancêtres, dans ce combat si pittoresquement raconté par Carloix, où les troupes françaises sont décrites marchant devant Metz « toujours en bon ordre, à la lueur de