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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/79

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ne prît pas ombrage des menus soins dont il entourait la jeune fille. Au premier moment, la charmante tournure de celui auquel miss Campbell devait la vie n’excita donc, dans ce noble cœur primitif, aucune jalousie, quoique l’intérêt témoigné par elle, pour la santé du blessé de la rue de Monsieur, eût déjà éveillé son attention. Comment, d’ailleurs, se fût-il mépris, lui qui la connaissait si bien, au trouble dont elle était possédée, à ne pourvoir le cacher ? Rien que le timbre étouffé de sa voix suffisait à la trahir.

— « J’ai dit à mon père, M. Campbell, et à mon cousin, M. John Corbin, combien vous aviez montré de courage, monsieur, » avait-elle commencé. « J’espère que votre blessure est tout à fait guérie… »

— « Tout à fait ? Non, mademoiselle, » répondit Jules, « mais presque. Si j’avais eu mon exeat plus tôt, je serais déjà venu savoir comment vous aviez supporté vous-même les émotions de cette rencontre avec ce brigand… »

Il était bien, un tantinet humilié le descendant du Maligny des Mémoires de Vieilleville, d’avoir poussé mentalement le cri de guerre de son ancêtre, pour partir à la conquête de la fille d’un maquignon d’outre-Manche. Il ne pouvait plus avoir de doute, maintenant. Mais son incroyable adaptabilité fonctionnait déjà. L’inattendu de la situation commençait de le ravir, et il percevait aussi, avec son sens éveillé des milieux, le pittoresque quasi fantastique de ce coin d’Angleterre installé à cinq cents mètres de l’Arc de Triomphe. Au « France ! France ! » de tout à l’heure, il substitua, en pensée, l’all right qui était dans la note. Il avait rendu sa poignée de main à Bob, il la rendit à Jack, et il écoutait le père de Hilda lui répondre :

— « Vous ne connaissez pas les Anglaises, monsieur